Responsabilité du gynécologue obstétricien et du personnel soignant lors d’un accouchement

Ayant à intervenir aux côtés des victimes d’accidents médicaux, je déplore malheureusement dans mes dossiers des erreurs de prise en charge lors d’un accouchement qui peuvent engendrer des conséquences tout à fait dramatiques pour le bébé à naître et pour les parents confrontés au handicap de leur enfant.

Aussi, il m’est apparu important de rappeler les règles juridiques qui s’imposent (I) en les illustrant de situations concrètes auxquelles j’ai pu être confrontée (II) et en donnant des conseils aux victimes de complications médicales en lien avec leur accouchement (III).

Rappel des règles de responsabilité de l’Etablissement de santé et du médecin accoucheur

L’article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique, issu de la loi du 4 mars 2002, prévoit que :

« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. »

Sur la responsabilité de l’Etablissement de santé ou de ses salariés

L’établissement de santé est responsable des fautes commises par ses substitués ou ses préposés ayant causé un préjudice à son patient.

Il convient de rappeler que dès lors que la patiente a été prise en charge par un hôpital ou une clinique, il s’est formé entre l’Etablissement de santé et la patiente un contrat d’hospitalisation et de soins. 

L’établissement de santé est débiteur à son égard, en vertu de ce contrat, d’une obligation de soins consciencieux, attentifs, et conformes aux données acquises ou actuelles de la science. 

Le personnel médical et en particulier, la sage femme, demeurent responsables des actes suivants :

  • La lecture et l’interprétation du rythme cardiaque fœtal de la prise en charge de la patiente jusqu’à son accouchement ;
  • Faire appel au gynécologue obstétricien en cas de souffrance fœtale et attirer son attention sur la nécessité de pratiquer une césarienne d’urgence.

En effet, si l'obstétricien occupe un rôle primordial dans l’accouchement, il n'en demeure pas moins que la sage-femme a toute compétence pour remettre en cause les conditions techniques de réalisation, si elle ne partage pas l'évaluation clinique du praticien.

En ce sens, il résulte de l’article R 4127-348 du code de la santé publique que le fait que la sage femme soit sous contrat avec un établissement public ou privé n’altère en rien l’indépendance de ses décisions ou de ses obligations.

De même, selon l’article L.4151-1 du code de santé publique « L'exercice de la profession de sage-femme comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l'accouchement, ainsi qu'à la surveillance et à la pratique de l'accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l'enfant, sous réserve des dispositions des articles L. 4151-2 à L. 4151-4 et suivant les modalités fixées par le code de déontologie de la profession, mentionné à l'article L. 4127-1. »

Enfin, l’article L.4151-3 du code de santé publique dispose que « en cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l'accouchement ou les suites de couches, et en cas d'accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin ».

Aussi, l’indépendance professionnelle de la sage-femme lui permet de s'opposer à la décision du gynécologue obstétricien, en exposant le motif de son refus qui doit être mentionné et consigné dans le dossier (pronostic obstétrical médiocre, mauvaise « impression » clinique,…).

Par conséquent, dans l'hypothèse où la sage-femme ne remet pas en cause la décision de l'obstétricien, elle reste responsable de la surveillance de la patiente jusqu'à la délivrance, conjointement avec l'obstétricien.

Sur la responsabilité du gynécologue obstétricien

Le médecin accoucheur qui exerce au sein d’un Etablissement Privé en vertu d’un contrat d’exercice libéral est le seul garant de ses actes et engage ainsi sa responsabilité personnelle. L'obstétricien demeure responsable du déclenchement de l'accouchement et de sa réalisation jusqu’à la naissance du bébé. La faute du gynécologue obstétricien est appréciée à la lumière des données acquises de la science à la date des soins. Cela signifie concrètement que le comportement du médecin sera examiné par comparaison à celui qu’aurait du avoir un médecin normalement consciencieux, diligent et compétent placé dans la même situation.

Les fautes les plus courantes pouvant lui être reprochées lors d’un accouchement sont les suivantes :

  • Une analyse erronée du rythme cardiaque fœtale de l’enfant entraînant un manque de discernement dans le choix de l’accouchement
  • Un geste médical fautif lors de l’extraction de l’enfant à naître (extraction par ventouse à l’origine de lésions cérébelleuses, dystocie des épaules survenue du fait d’un accouchement par voie basse alors qu’il aurait fallu opter pour une césarienne)
  • Une pratique tardive d’une césarienne en présence de souffrances fœtales

Pour que la responsabilité du gynécologue obstétricien puisse être reconnue, il doit être prouvé que la faute du médecin accoucheur a entraîné un préjudice corporel de l’enfant permettant ainsi de solliciter une indemnisation et que son comportement fautif est à l’origine des séquelles physiques et/ou intellectuelles du bébé.

Illustrations des fautes retenues par les juridictions civiles et administratives

En fonction de la prise en charge médicale de la patiente (accouchement dans un hôpital privé ou public), le Tribunal civil ou administratif ou la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux est compétent pour juger de la responsabilité des soignants.  

Les conséquences financières étant très importantes pour les assureurs de ces Etablissements de santé ou du gynécologue obstétricien, il est très rare qu’une négociation amiable puisse aboutir. De surcroît, les assureurs feront souvent des demandes de contre expertise pour contester leur responsabilité et s’exonérer de toute prise en charge. Aussi, il est essentiel pour les victimes de se faire assister par des professionnels compétents (médecin conseil et avocat) afin qu’elles puissent être défendues à armes égales.

Voici quelques illustrations de fautes retenues dont a eu à traiter le cabinet :

Sur le retard à pratiquer une césarienne

I. est né en 2009 en état de mort apparente et a ensuite été réanimé.

Il conserve des séquelles neurologiques graves (infirmité motrice d’origine cérébrale) se traduisant par une insuffisance du tonus postural, une tétraplégie spastique massive, un développement staturo-pondéral très retardé. Les expertises réalisées ont permis de mettre en évidence que les lésions neurologiques à l’origine du handicap de l’enfant se sont constituées en prénatal, pour partie dans les trois heures précédant l’extraction et pour partie dans la demi-heure la précédant.

Le Tribunal a validé les conclusions de l’expertise selon lesquelles ce retard à pratiquer une césarienne de 3 heures est fautif et entraîne la responsabilité du centre hospitalier qui est tenu d’indemniser l’enfant et sa famille à hauteur de la perte de chance retenue (80%) d’éviter les séquelles si l’intervention avait été réalisée plus tôt.

Sur l’extraction fautive par ventouse à l’origine d’une complication mécanique hémorragique

N. est né en 2010 et souffre d’un lourd handicap entraînant un retard de ses acquisitions psychomotrices, des difficultés de la parole et un retard dans son développement.

Les expertises menées ont permis de mettre en évidence que la décision d’un accouchement par voie basse est fautive. En effet, l’acharnement du gynécologue obstétricien pour extraire le bébé par ventouse a créé un hématome cérébelleux à l’origine des séquelles neurologiques de l’enfant.

La cour d’appel a retenu la responsabilité du médecin et a chiffré l’indemnisation à hauteur d’une perte de chance de 98%.

Sur la non prise en compte par la sage femme du tracé pathologique du rythme cardiaque fœtal 

A. est née en 2017 et a dû être réanimée à la naissance.

La petite fille présente aujourd’hui des séquelles neurologiques graves, une infirmité motrice d’origine cérébrale qui lui impose de ne pouvoir se déplacer qu’avec un déambulateur, ainsi que des difficultés de préhension, de coordination des deux mains et de précisions du mouvement.

L’expertise menée devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation a mis en évidence que la dégradation constatée du rythme cardiaque aurait dû conduire la sage-femme à faire appel beaucoup plus rapidement au gynécologue obstétricien au lieu de laisser se prolonger le travail. Le praticien de garde ne sera appelé que 2 heures plus tard ne permettant plus la réalisation d’une césarienne. Les experts ont conclu qu’une extraction précoce de l’enfant par césarienne dès l’apparition des anomalies aurait permis d’éviter la survenue de l’état neurologique présenté par l’enfant. 

La CCI a entériné ce rapport en concluant que le défaut de surveillance par la sage-femme du travail et du bien-être fœtal a été inadapté et est constitutif d’une faute en lien direct avec les séquelles dans l’enfant.

Sur la paralysie du plexus brachial en lien avec l’accouchement

A. est né en 2005 avec une paralysie du plexus brachial.

Malgré l’intervention chirurgicale réalisée ultérieurement, consistant en une greffe rachidienne C5, la jeune victime demeure très handicapé de son bras gauche. L’expertise réalisée a permis de mettre en évidence que les médecins ont extrait l’enfant par voie basse, en pratiquant une manœuvre obstétricale rendue nécessaire par le relèvement du bras du fœtus. Par ailleurs et surtout, cette expertise conclut qu’une césarienne s’imposait eu égard à la macrosomie fœtale (poids du bébé 4,8 kg) et à l’étroitesse du bassin de la mère.

Le Tribunal a entériné les conclusions de l’expertise et a retenu la responsabilité du Centre Hospitalier en considérant que le dommage résultait d’une manœuvre obstétricale qui n’aurait pas été nécessaire en cas de césarienne.

Conseils aux victimes d’un accident médical lors de l’accouchement 

Il est vivement conseillé aux victimes dont leur enfant souffre de séquelles en lien avec l’accouchement de :

Il est rappelé qu’un enfant né handicapé du fait d’une erreur liée à l’accouchement ne pourra être consolidé qu’à sa majorité compte tenu de l’évolution de son état de santé dont les séquelles ne pourront être fixées qu’en fin de croissance. Plusieurs expertises devront être organisées au cours de sa minorité car les besoins de la jeune victime vont nécessairement évoluer et notamment, ses besoins en aide humaine ne cesseront de s’accroître surtout, si l’enfant n’a pas d’autonomie. Dans l’attente de l’indemnisation définitive, il pourra être sollicité des provisions qui porteront sur les postes de préjudice suivants :

  • Les besoins en aide humaine
  • Le déficit fonctionnel temporaire
  • Le préjudice scolaire
  • Les souffrances endurées
  • Le préjudice esthétique temporaire

Les parents et l’entourage (frères, sœurs, grands parents), dont la vie a nécessairement été bouleversée, pourront également solliciter une indemnisation au titre de leur préjudice moral et de leurs troubles dans les conditions d’existence. Très souvent, l’un des deux parents fera le choix de s’arrêter de travailler et il aura nécessairement à subir un préjudice économique dont il sera sollicité l’indemnisation.

Lorsque les préjudices de la victime seront définitivement évalués, l’ensemble des préjudices suivants pourront donner lieu à indemnisation :

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

  • Dépenses de santé actuelles (frais médicaux restés à charge, frais d’appareillage…)
  • Frais divers (besoins en aide humaine, frais d’adaptation du domicile, frais de déplacement, frais de médecin conseil, d’ergothérapeute…)

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

  • Dépenses de santé futures (frais médicaux non pris en charge par les organismes sociaux, frais d’appareillage…)
  • Frais de logement adapté (ou achat d’un logement adapté au handicap)
  • Frais de véhicule adapté (ou achat d’un véhicule adapté)
  • Assistance par tierce personne (besoins en aide humaine à titre viager)
  • Pertes de gains professionnels futurs (son calcul prendra en considération le salaire auquel aurait pu prétendre la victime si elle avait pu travailler)
  • Incidence professionnelle (dévalorisation professionnelle)
  • Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Préjudices extrapatrimoniaux

Préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation)

  • Déficit fonctionnel temporaire (troubles dans les conditions d’existence)
  • Souffrances endurées (pretium doloris)
  • Préjudice esthétique temporaire

Préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation)

  • Déficit fonctionnel permanent (séquelles physiologiques/intellectuelles ou morales définitives évaluées en pourcentage)
  • Préjudice d’agrément (l’absence d’activité d’agrément ou de loisirs)
  • Préjudice esthétique permanent (altération de son image corporelle)
  • Préjudice sexuel
  • Préjudice d’établissement (le fait de ne pas pouvoir avoir de conjoint ou de fonder une vie de famille)
  • Préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.)

Pour toute question, vous pouvez joindre le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, intervenant auprès des victimes d’accidents médicaux.

Que faire si mon enfant victime est atteint d’un handicap que j’estime être en lien avec une faute consécutive à mon accouchement ?


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