Consorts N. – Chute magasin – Fermeture intempestive de la porte automatique - Responsabilité du fait des choses – Responsabilité du magasin / supermarché et de la société de maintenance - Jugement du Tribunal Judiciaire de NANTERRE du 9 juin 2022

Rappel des faits 

Le 5 septembre 2013, vers midi, Madame N. sortait d’un magasin d’alimentation, lorsque la porte automatique de sortie s’est refermée sur elle, la faisant chuter

Il en est résulté une fracture péri-prothétique de la hanche droite.

L’accident a nécessité l’intervention des sapeurs-pompiers qui ont pris en charge Madame N. et l’ont aussitôt transportée aux Urgences du Centre Hospitalier Universitaire de NANTES.

Elle a subi une première intervention consistant en un changement bi-polaire de prothèse totale de hanche droite.

Malheureusement, en raison de complications septiques présentées, Madame N. a subi de très nombreuses reprises chirurgicales.

 Madame N., épuisée par les nombreux soins et du fait d’une autre pathologie cardiaque non imputable à l’accident, est décédée en juin 2015.

 

Saisine de l’avocat

 Le magasin ayant refusé d’indemniser Madame N. suite à sa chute, c'est dans ces conditions qu’elle a saisi le cabinet de Maître CARRE-PAUPART, avocat expert en accident de la vie privée et intervenant régulièrement dans les litiges relatifs à des chutes dans un supermarché.

 

Procédures de référés et Saisine du Tribunal Judiciaire au fond afin de faire reconnaître les fautes du magasin et l’imputabilité des préjudices de la victime et de ses ayants droit

 Dans l’intérêt de Madame N.,  le cabinet de Maître CARRE-PAUPART a assigné la société L., sa compagnie d'assurance devant le juge des référés, aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire et l’allocation d’une provision

 Par ordonnance rendue le 20 mai 2014, le juge des référés, contrairement à ce que soutenait la partie adverse, a considéré que la matérialité des faits n'était pas sérieusement contestable, a ordonné la réalisation d’une expertise médicale judiciaire et a condamné solidairement la société L. et son assureur à payer à Madame N. la somme de 5.000 euros à titre de provision sur l’indemnisation de son préjudice.

 L'expertise s'est déroulée le 16 septembre 2014.

 Dans son rapport d'expertise daté du 18 novembre 2014, l’Expert Médical a conclu à une : 

 « Fracture péri-prothétique du fémur droit autour d’une prothèse totale de hanche droite malheureusement compliquée d’un sepsis grave avec état septique persistant, nombreux épisodes de luxation de la prothèse totale, confinant Madame N. dans une situation de dépendance importante, avec marche impossible, station debout impossible, nécessité de l’utilisation d’un fauteuil roulant et en raison des antécédents précédemment décrits, l’utilisation d’un fauteuil roulant manuel lui est très difficile, justifiant la prescription d’un fauteuil roulant électrique. »

 L’Expert a constaté l'absence de consolidation de l'état de santé de Madame N. et a déposé des conclusions médico-légales provisoires.

 Par actes des 12 et 18 décembre 2014,  le cabinet de Maître CARRE-PAUPART intervenant pour Madame N. s’est vue contrainte de saisir de nouveau le juge des référés aux fins de solliciter la nomination d’un expert en ergothérapie et en architecture, ainsi qu’une provision complémentaire.

 Par acte du 27 février 2015, la société L. et son assureur ont assigné en intervention forcée la société en charge de la maintenance et de l’entretien de la porte automatique à l’origine de la chute de Madame N., et ont sollicité la mise en place d’une expertise technique de cette porte.

 Par ordonnance rendue le 7 mai 2015, le juge des référés a ordonné deux expertises : 

  • L’une en ergothérapie et en architecture,
  • L’autre des portes automatiques du magasin 

 Le magasin d’alimentation et son assureur se sont en outre vus condamner à verser à Madame N. une provision complémentaire de 10.000 euros.

 Malheureusement, compte tenu du décès de la victime, l’expertise en ergothérapie et architecture n’a jamais eu lieu. 

 L’Expert ingénieur chargé de l’analyse des portes a déposé son rapport d’expertise définitif le 20 avril 2019, concluant à une responsabilité partagée du supermarché et de la société de maintenance des portes automatiques.

 La famille de Madame N. n’ayant jamais été indemnisée amiablement des suites de l’accident, sa fille, agissant en son nom personnel et en sa qualité d’ayant droit, ainsi que ses trois petits-enfants, par l’intermédiaire du Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, ont été contraints de saisir le Tribunal Judiciaire de NANTERRE au fond aux fins de non seulement faire reconnaître la responsabilité du magasin d’alimentation ainsi que de la société de maintenance mais également, de solliciter l’indemnisation du préjudice temporaire subi par Madame N à la suite à sa chute.

 Il a été soulevé les manquements suivants sur le fondement des articles 1240 et 1242 du Code Civil :

  •  Le rôle causal de la porte dans la chute de Madame N.
  • La fermeture intempestive de la porte
  • La non-conformité de la porte à l’origine de la chute et du dommage
  • La responsabilité du supermarché (responsabilité de plein droit du fait des choses) et de la société de maintenance des portes automatiques (responsabilité sur le fondement de la faute)

 

Jugement : Reconnaissance de la responsabilité du supermarché et de la société de maintenance dans la chute en lien avec la fermeture des portes automatiques

 Après 8 années de procédure, par jugement rendu le 9 juin 2022, le Tribunal Judiciaire de NANTERRE a suivi l’argumentation du cabinet, bien que contestée par les parties adverses, et a reconnu la responsabilité du magasin et de la société de maintenance dans la chute de Madame N.

 Il a été jugé comme suit :

 « Contrairement à ce que soutiennent les sociétés L. et A., la preuve du rôle causal de la porte automatique est suffisamment établi par le fait qu’elle s’est refermée alors qu’une personne se trouvait dans le passage, situation qui a été reproduite involontairement par l’expert lui-même durant l’expertise, le conduisant à écrire “il est quasiment certain que de telles collisions se soient déjà produites régulièrement sur des personnes en bonne forme physique sans que cela ait eu de graves conséquences”.

 La fermeture de la porte automatique du magasin est donc la cause exclusive et active du dommage.

 Il n’est pas contesté que la porte était sous la garde de l’exploitant du magasin qui engage donc sa responsabilité du fait dommageable de cette chose.

 Les sociétés L. et A. soutiennent que Mme N. a commis une faute “en sortant du magasin, avec son déambulateur, alors qu’elle était fragile et vulnérable et chutait fréquemment depuis plusieurs mois” et qu’elle aurait dû se faire assister pour en sortir.

 L’état antérieur de Mme N. a été discuté en expertise et examiné par l’expert médical.

 Il a évoqué “Cette polyarthrite rhumatoïde très sévère lui permettait néanmoins d’avoir une autonomie satisfaisante lors des faits”. Réinterpellé par dire sur ce point, il a réaffirmé : “effectivement Mme N. est porteuse depuis plusieurs années d’une polyarthrite rhumatoïde, cette polyarthrite a justifié de nombreuses interventions chirurgicales, mais, pour autant, tel que nous l’avons décrit, elle était parfaitement autonome dans sa vie courante puisqu’elle était en mesure de monter et descendre les escaliers à son domicile, de conduire son véhicule automobile, d’aller faire les courses avec son mari et de se rendre au restaurant ou au cinéma.”

 Dans ces conditions, rien ne corrobore les affirmations des défenderesses sur les difficultés de déplacement et les prétendues chutes fréquentes de la victime.

 Par ailleurs, le fait de se rendre dans un magasin avec son mari, en utilisant un déambulateur, ne saurait caractériser une faute d’inattention ou d’imprudence de Mme N., alors âgée de 73 ans, pas plus que de son époux qui cheminait devant elle avec le caddie contenant leurs achats. De plus, les photographies des lieux figurant au rapport d’expertise montrent que les portes n’étaient pas larges (1,40 m) et ne permettaient pas le passage de front des deux époux.

 En l’absence de faute de la victime, de fait d’un tiers ou de force majeure, la SNC L., devra donc réparer l’entier préjudice de Mme N. au bénéfice de ses ayants droit et des victimes indirectes.

 L’entreprise chargée de la maintenance technique d’équipements potentiellement dangereux, et notamment des portes automatiques, est tenue d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de ces appareils qui ne s’efface que devant la preuve d’une cause extérieure.

 Il a été retenu ci-dessus que la porte automatique de sortie s’est refermée sur Mme N. qui sortait du magasin.

 L’expert a donc retenu que, bien que la porte ait fonctionné, la SAS A. avait manqué à son obligation de sécurité par le réglage de la vitesse de la porte (rapide) et du radar (réglé pour permettre la détection des chariots à distance de la porte et non au droit de celle-ci).

 La responsabilité de la SAS A. est donc engagée à son égard au titre de son obligation de sécurité de résultat.

 Elle sera donc tenue de réparer les dommages causés par la porte automatique, in solidum avec la SNC L. et son assureur. »

 Du fait du décès de Madame N. avant l’issue de la procédure et compte tenu de la non consolidation de son état de santé, il a été obtenu devant le Tribunal Judiciaire les indemnisations suivantes :


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