Erreur de diagnostic et défaut de prise en charge - Décision obtenue

Consorts M. – Erreur de diagnostic - Défaut de prise en charge - Responsabilité du médecin traitant – Décès de la victime - Décision Tribunal de Grande Instance de NANTERRE du 5 octobre 2017

Complications médicales subies conduisant au décès de la patiente

Dans la nuit du 11 au 12 juin 2008, Madame M., âgée de 47 ans, a été victime d’un malaise. Elle a téléphoné à son médecin traitant, le Docteur R., qui est arrivé à son domicile et lui a diagnostiqué une brutale céphalée accompagnée de vomissements sans raideur méningée.

Le lendemain, la fille de Madame M., qui avait constaté la persistance des violents maux de tête dont souffrait sa mère, et qui avait dormi profondément toute la journée sans même s’alimenter, a rappelé le médecin traitant. Ce dernier qui est arrivé à son domicile en fin de journée s’est contenté de lui prescrire un simple bilan radiologique pour une névralgie cervico-brachiale, alors qu’elle ne pouvait plus à ce moment là s’asseoir seule.

La sœur de Madame M., appelée par sa fille totalement désemparée, a pris l’initiative de l’accompagner elle-même à la Clinique la plus proche de son domicile. Cependant, au cours du transport, Madame M. a été prise de vomissements puis, a perdu connaissance et est tombée dans le coma. A son admission à la clinique, un scanner cérébral a permis de diagnostiquer une hémorragie méningo-cérébrale par rupture d’anévrisme, justifiant un transfert en urgence au CHU de Bordeaux.

Un nouveau scanner cérébral a montré la majoration de l’hématome frontal, de l’œdème cérébral péri-hémorragique et l’effraction ventriculaire avec contamination du 4ème ventricule et des citernes péri-pontiques. L’état neurologique à l’entrée était gravissime et le traitement symptomatique habituel a été mis en place, sans qu’il puisse être envisagé une intervention du fait de la gravité des lésions.

Madame M. est décédée le 17 juin suivant.

Procédure disciplinaire devant l’ordre des médecins à l’encontre du Docteur R.

Une plainte a été déposée devant le Conseil de l'Ordre des médecins par les ayants droit de Madame M. pour absence de soins consciencieux et dévoués. Le 24 avril 2012, la Chambre Disciplinaire Nationale de l'ordre des médecins a infligé au Docteur R. la peine de trois mois d'interdiction d'exercer la médecine.

La décision est rédigée comme suit :

" Appelé en urgence à 0 h 40 le 12 juin 2009 au chevet de Madame M. auprès de laquelle il est resté longuement, le Docteur R., ayant constaté une céphalée brutale accompagnée de vomissements, s'est borné à prescrire du paracétamol et un arrêt de travail jusqu'au 16 juin 2009, sans prendre dès ce moment, et alors même qu'il ne constatait ni perte de conscience ni paralysie faciale ni troubles de l'équilibre, toutes les dispositions et se donner les moyens de faire réellement face à la gravité de la situation.

Ayant à nouveau examiné sa patiente à 19 heures, il a demandé un bilan radiologique sans pouvoir justifier qu'il avait effectivement ordonné le scanner qu'il prétend avoir prescrit ; qu'il a confié Madame M. à un transport non médicalisé, en l'espèce à la sœur de celle-ci, pour la conduire sans ordonner formellement son hospitalisation à la clinique Esquirol-Saint-Hilaire à Agen (Lot-et-Garonne) ; où elle a été transférée au CHU de BORDEAUX où elle est décédée le 17 juin. Le Docteur R. n'a pas prodigué des soins consciencieux et dévoués et sollicité les concours appropriés comme il était tenu de le faire en application des articles R. 4127-32 et R. 4127-33 du Code de la Santé Publique. Que compte tenu de ce comportement, il a été prononcé à son encontre la peine de trois mois d'interdiction d'exercer la médecine."

Procédure amiable devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux

Les Consorts M. ont saisi la CCI le 20 juin 2013. Le Professeur C., Expert neurochirurgien, a été désigné en qualité d'Expert. Dans son rapport d’expertise, le Professeur C. a confirmé que les soins, investigations et actes annexes n'ont pas été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science.

Dans ses conclusions expertales, l’Expert a indiqué très précisément que : " Lors d'une rupture d'anévrysme, lorsque l'hémorragie initiale n'est pas massive (ce qui était le cas de cette patiente qui est restée consciente et uniquement céphalalgique pendant presqu'une journée), une prise en charge précoce de l'hémorragie méningée autorise chez bon nombre des patients un traitement adapté et une évolution favorable avec ou sans séquelle."

Dans son avis rendu le 13 novembre 2014, la Commission a entériné le rapport d’expertise du Professeur C. en concluant : " Il ressort du rapport d'expertise du Pr C. un non-respect des règles de l'art par le Dr R. lors de sa première consultation dans la nuit du 11 au 12 juin 2009 (...). Si Madame M. avait bénéficié d'un scanner en urgence dès le 11 juin 2009 le diagnostic précoce d'hémorragie méningée aurait été posé et une prise en charge adaptée mise en œuvre." 

Cependant la CCI, tout en omettant de prendre en considération les conclusions de l'Expert selon lesquelles l'hémorragie initiale de la patiente, dans ce cas précis, n'était pas massive et qu'une prise en charge précoce aurait pu lui permettre de réelle chance d'une évolution favorable, s’est contente d'estimer à seulement 30% la perte de chance de survie de la victime. L’assureur du Docteur R. qui a accepté l’avis de la CCI a formulé des offres amiables à hauteur de 30% du préjudice subi.

Le Cabinet CARRE-PAUPART, saisi en cours de procédure devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation, a conseillé à la famille de Madame M. de refuser les propositions amiables formulées.

Procédure devant Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

C’est dans ces conditions qu’une procédure judiciaire a été intentée devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE dans le but de leur obtenir une indemnisation à la hauteur de leur préjudice. En effet, l’article L. 1142-1 I du Code de la Santé Publique, issu de la loi du 4 mars 2002, dispose que :

« les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

En s'abstenant de mettre tout en œuvre pour un diagnostic précoce de rupture d'anévrisme, il a été soutenu par le cabinet CARRE-PAUPART que le Docteur R. n’a pas apporté à Madame M. des soins conformes aux données acquises de la science. Il a été demandé au Tribunal de retenir une perte de chance de survie qui ne saurait être inférieure à 80%.

En effet, si dans son rapport le Professeur C. n'a pas évalué ce taux de perte de chance, il n'en demeure pas moins qu'il indique très précisément que si Madame M. avait bénéficié d'un scanner dans les 3 heures qui ont immédiatement suivi la constitution de la céphalée, c'est à dire entre 3 et 4 heures du matin le 12 juin, le diagnostic précoce d'hémorragie méningée aurait été posée et une prise en charge adaptée mise en œuvre.

L'Expert rappelle que l'hémorragie initiale présentée par cette patiente n'était pas massive, compte tenu du fait que Madame M. est restée consciente et uniquement céphalgique pendant presqu'une journée, et conclut que dans ce cas précis, une prise en charge précoce autorise chez bon nombre des patients un traitement adapté. 

De plus, si l'on se réfère à l'article de UHRIG et LOSSLER (Congrès Nationale d'Anesthésie Réanimation 2007, Les Essentiels, p 403-4014, 2007 Elsevier Masson SAS) la mortalité globale des hémorragies intra-crâniennes consécutives à une rupture d'anévrysme est de 25%.

Pour ces auteurs la précocité du diagnostic est l'élément prédictif déterminant car seule l'exclusion de l'anévrysme permet d'éviter les complications secondaires (re saignement ou vasospasme) qui constituent les causes de mortalité ou de séquelles neurologiques lourdes).

Le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, dans sa décision rendue le 5 octobre 2017, a retenu une perte de chance à hauteur de 70% considérant 

« que la faute du médecin, qui n’a pas dispensé des soins consciencieux et adaptés à l’état de sa patiente, qu’il a estimé à 70 %, compte tenu de la lésion initiale non massive, selon les éléments pris en compte par l’expert, qui aurait pu être prise en charge de manière rapide et adaptée si le diagnostic avait été posé, sans pour autant qu’il soit possible d’exclure de façon certaine le risque de décès qui ne peut jamais être complètement écarté dans l’hypothèse d’une rupture d’anévrysme. »

Le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART a obtenu pour ses filles les sommes de 33.946,44 euros et 48.545,40 au titre des préjudices subis + 5.000 euros pour le remboursement des frais d’avocat (soit plus de 10 fois l’offre amiable de l’assureur du Docteur R. qui proposait initialement 4.800 euros).

Il a été obtenu pour la sœur la somme de 14.659,27 euros au titre de son préjudice (soit plus de 3 fois l’offre amiable de l’assureur du Dr R qui proposait initialement 3.900 euros).

Il a été obtenu pour chacun des parents âgés de Madame M. la somme de 14.000 euros (aucune offre amiable n’était proposée).


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