Indication chirurgicale fautif – Infection nosocomiale

Madame B. – Indication chirurgicale fautif – Infection nosocomiale -  Décision Tribunal Administratif de PARIS du 15 mai 2020

Circonstances de la prise en charge médicale et complications

Madame B., âgée de 70 ans, atteinte d’une scoliose et présentant une lombosciatique bilatérale, a subi le 3 mai 2016 dans un Etablissement de santé public une laminoarthrectomie en L3/L4 et L4/L5 au cours de laquelle ont été réalisés une « fixation pédiculaire « expedium » de T10 jusqu’au bassin ainsi que des greffes autogènes avec le matériel de laminectomie ». 

Le 10 mai 2016, une première ré-intervention, consistant en un lavage des tissus, a été rendue nécessaire compte tenu de l’apparition d’un sepsis, suivi par l’administration d’un traitement antibiotique. 

Le 24 mai 2016, Madame B. a subi une deuxième ré-intervention, consistant à nouveau en un lavage, en raison d’une nouvelle désunion de la cicatrice, puis s’est vue administrée un nouveau traitement antibiotique. 

Le 16 juin 2016, une troisième ré-intervention a été réalisée. Le 5 juillet 2016, le service de chirurgie orthopédique a réalisé une nouvelle opération afin d’évacuer un abcès. 

Enfin, le 20 juillet 2016, compte tenu du sepsis chronique, il a été procédé à l’ablation totale du matériel installé le 3 mai 2016.

Les séquelles de l’infection ont été à l’origine d’une raideur très importante du dos.

Saisine de l’avocat en droit médical

C’est dans ces conditions que Madame B., victime, a saisi le cabinet de Maître CARRE-PAUPART, Avocat Expert en droit médical et réparation du préjudice corporel, afin de faire reconnaître l’infection contractée et obtenir une indemnisation pour le préjudice corporel subi.

Saisine du Tribunal Administratif de PARIS

Dans un premier temps, une expertise a été sollicitée auprès du Tribunal Administratif de PARIS lequel a désigné un collège d’Experts, un orthopédiste et un infectiologue.

Ces derniers ont retenu les fautes suivantes :

Sur l’indication opératoire fautive 

En premier lieu, eu égard aux lésions présentées par Madame B., à savoir une scoliose ancienne avec lombosciatique bilatérale, les Experts se sont étonnés du choix d’une intervention aussi étendue que celle qui a été pratiquée. 

En effet, le 3 mai 2016, a été réalisée une arthrodèse instrumentée de T10 au bassin.

Or, s’agissant d’une patiente cachétique, sous corticothérapie au long cours, tabagique et présentant une ostéoporose, une intervention aussi étendue apparaissait comme particulièrement risquée. 

Ainsi, les Experts ont indiqué dans leur rapport : 

« Pourquoi, outre les étages lombaires où les conflits disco-radiculaires étaient présents, avoir corrigé une scoliose ancienne fixée pour gagner 5 degrés en réalisant une intervention majeure de fixation de chaque vertèbre à partir du bassin, et tenter de corriger la scoliose ?

Avec une incision importante chez une patiente ayant été sous corticoïde qui fragilise la peau dans sa cicatrisation ; chez une patiente dénutrie qui n’a guère de véritable possibilité de cicatrisation en profondeur, et dont l’association favorise l’émergence infectieuse.

Mieux que toute discussion ; les clichés reproduits de l’implantation des tiges fixant les vertèbres peuvent faire comprendre au lecteur l’importance de la chirurgie réalisée durant trois heures de gestes avec une ouverture cutanée majeure. »

Lors des opérations d’expertise, il est en effet apparu que le choix thérapeutique adapté et raisonnable était celui d’une laminectomie postérieure limitée aux deux étages où le canal étroit était présent soit en L3-L4 et L4-L5. 

C’est en ce sens que les Experts ont précisé : 

« Le processus infectieux est nécessairement un processus émergent en rapport avec les soins prodigués, mais l’indication chirurgicale semble erronée et excessive et fautive. »

Sur l’absence d’information 

Dans leur rapport, les Experts déplorent également un défaut d’information sur les éventuelles conséquences d’un geste chirurgical aussi étendu.

En ce sens, ces derniers indiquent : 

« Information discutable au regard de l’importance de la chirurgie véritablement réalisée.

Pas d’accord écrit aux fins de la compréhension des actes qu’elle allait subir. »

En effet, il est manifeste que Madame B. n’a jamais été mise en capacité de comprendre pleinement l’intervention qui allait être réalisée. 

Aucun document écrit détaillant les risques inhérents à l’intervention ne lui a été remis, et aucun acte de consentement éclairé n’a été signé. 

Or, pour ce type de chirurgie, des documents explicatifs détaillés existent, à l’attention des patients et de leurs proches.

Sur la survenue de l’infection nosocomiale

En l’occurrence, le dossier médical de Madame B. fait apparaître qu’elle a été victime d’une infection nosocomiale rachidienne, sur le matériel implanté le 3 mai 2016. 

Le caractère nosocomial de cette infection ne souffre aucun débat. 

Le rapport d’expertise indique en effet : 

« Dès le 7ème jour post-opératoire il est apparu une infection manifestement nosocomiale à germes multiples (streptocoques, staphylocoques, corynébactérie) ».

Et ces derniers de conclure : 

« Infection nosocomiale en rapport avec les soins, indiscutable. »

Sur la prise en charge inadaptée de l’infection

Il ressort du rapport d’expertise que la prise en charge de Madame B. après la survenue de l’infection a été particulièrement défaillante. 

  • En premier lieu, sur le choix de ne pas retirer le matériel dès la première infection :

Les Experts déplorent dès lors le choix thérapeutique incompréhensible de l’hôpital de maintenir le matériel en place et de continuer, à chaque réapparition de l’infection, à pratiquer des lavages. 

En effet, ils indiquent : 

  • « Si le choix chirurgical paraît d’emblée excessif l’hématome cutané initial toujours possible comme aléatoire, mais sa répétition avec colonisation physiologique infectieuse aurait dû faire penser au risque de colonisation du matériel implanté et poser très rapidement l’indication de son ablation »
  • « Concernant la conservation du matériel en place lors de la première réintervention ; cette décision est discutable chez une patiente sous corticoïde, qui est fragilisée avec des comorbidités associées.

(…) 

Le collège expertal réitère avec force que dès la deuxième suppuration, il fallait retirer tout le matériel implanté, et non se contenter d’un petit geste qui ne menait à rien, si ce n’est de voir la récidive immédiate de la suppuration »

  • En second lieu, sur le traitement antibiotique inadapté :

De surcroît, il ressort du rapport d’expertise que le traitement antibiotique administré à Madame B. n’était pas adapté aux germes présents sur le matériel. 

Ainsi, le rapport précise : 

«  L’Augmentin n’était pas l’antibiotique de la situation et la dose employée très largement insuffisante pour une pénétration osseuse. La seule association validée repose sur l’association de Rifampicine et d’une Fluoroquinolone à doses efficaces, voir les nouvelles associations puissantes comme Daptomycine Vancomycine, Tazocilline, ou Lynesolide. »

Le Tribunal Administratif de PARIS, qui a entériné les conclusions des Experts dans sa décision rendue le 15 mai 2020, a confirmé que Madame B. avait été victime d’une infection nosocomiale et d’une prise en charge fautive engageant la responsabilité de l’Hôpital à 100%, malgré la contestation adverse estimant que l’état de santé précaire de la patiente avait participé à son état de santé actuel.

Il a été retenu notamment un taux de Déficit Fonctionnel Permanent à 15%, des souffrances endurées à 4,5/7, une incidence professionnelle, et un besoin en aide humaine viager.

Il a été obtenu pour Madame B. la somme de 351.893,51 euros au titre des préjudices subis.

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