Erreur de diagnostic – Retard de prise en charge – Perte de chance

Monsieur J. – Erreur de diagnostic – Retard de prise en charge – Perte de chance -  Décision Cour Administrative d’Appel de NANTES du 12 mars 2021

Circonstance de l’accident et complications

Monsieur J, âgé de 42 ans, a perdu le contrôle de sa moto le 31 juillet 2009 à l’origine de multiples fractures du bras gauche et d’une luxation du coude gauche.

Il en est résulté par la suite une atteinte très sévère du plexus brachial gauche à l’origine d’une incapacité permanente partielle de 40% en raison d’une paralysie de l’avant-bras droit et de la main gauche.

Le Centre Hospitalier l’ayant pris en charge contestant toute responsabilité dans la prise en charge de Monsieur J., eu égard à la gravité de son accident initial, a refusé de l’indemniser amiablement.

Saisine de l’avocat en droit médical

C’est dans ces conditions que le cabinet de Maître Caroline CARRE-PAUPART, Avocat Expert en droit médical et réparation du préjudice corporel, a été saisi pour déterminer les causes de son handicap et obtenir une indemnisation pour le préjudice subi.

Saisine du Tribunal Administratif

Deux expertises judiciaires ont été ordonnées par le Tribunal Administratif de RENNES.

La dernière expertise, réalisée par un Expert neurochirurgien et par un orthopédiste spécialiste du membre supérieur, a pu mettre en évidence les manquements suivants :

  • Monsieur J. a été victime d'un retard dans la prise en charge de la lésion grave du plexus brachial.

En ce sens, le rapport indique :

" En ce qui concerne l’atteinte plexique, avec la paralysie quasi complète du membre supérieur gauche. Le diagnostic a parfaitement été posé dès le jour de l’accident. 

Le signe de Claude Bernard-Horner encore présent actuellement permettait d’emblée faire le diagnostic de lésion d’avulsion des racines inférieures et donc de non récupération spontanée.

Le bilan n’a été pratiqué que 2,5 mois plus tard (IRM et EMG) confirmant l’avulsion des racines C7C8T1 et les lésions du tronc primaire supérieur (en aval du nerf suprascapulaire). Puis un avis a été demandé le 2 décembre 2017 au Dr S. considéré comme spécialiste du plexus brachial dans le service d’orthopédie du CHU de R. (pas de notion de formation spécifique à cette spécialité), soit 4 mois après la lésion. Il ne pose pas l’indication chirurgicale. Ceci n’est pas conforme aux données nombreuses de la littérature. En effet, l’intervention doit être pratiquée au plus tôt et au mieux dans les 6 mois, plus l’intervention est pratiquée tôt meilleurs seront les résultats "

Selon les Experts, l’existence de troubles neurologiques sévères avec un diagnostic de plexus brachial effectué le jour même de l’accident, aurait dû conduire à faire un bilan immédiatement avec des chirurgiens de la main, et non à le différer.

  • De surcroît, Monsieur J. a été victime d'une absence de prise en charge immédiate de la lésion vasculaire constatée dès son arrivée aux urgences de l’hôpital

En ce sens, le rapport des Experts indique :

"On ne retrouve pas de traces de contrôle des troubles circulatoires initiaux (pas de vérification des pouls postopératoire, pas d’artériographie ou d’angioIRM). 

Il est vraisemblable que le syndrome de loge apparu à la 24ème heure soit un syndrome de loge d’étiologie vasculaire et non traumatique. En effet, les loges ont été ouvertes lors de la synthèse des os de l’avant-bras, le pouls actuel semble plus faible à gauche avec des troubles trophiques circulatoires important. Aucune exploration ou réparation vasculaire n’ayant été pratiquée, l’absence de vascularisation a entrainé vraisemblablement une rétraction des fléchisseurs d’origine ischémique (syndrome de Volkmann). Cette rétraction a vraisemblablement diminué les résultats potentiels (en termes de flexion des doigts) de récupération de la greffe pour la réanimation du nerf médian faite ultérieurement. Une exploration et réparation vasculaire en urgence aurait limité le risque de nécrose et rétraction musculaire ainsi que les troubles trophiques circulatoires ultérieur.

La méconnaissance du problème vasculaire a donc conduit à des lésions irréversibles des muscles de l’avant-bras et de la main."

En conclusions, dans leur rapport, les Experts ont retenu un taux de perte de chance indemnisable à hauteur de 30%, du fait du traumatisme sévère initial :

« Nous retenons donc une faute dans la prise en charge de Monsieur J. par le CHU de R. en ce qui concerne l’absence de prise en charge immédiate de la lésion vasculaire et le retard dans la prise en charge de la lésion grave du plexus brachial.

Cette attitude fautive est à l’origine d’une perte de chance que nous pouvons estimer à 30%. 

Perte de chance d’avoir eu un meilleur résultat et d’avoir une fonctionnalité meilleure et utile de son membre supérieur gauche. »

Décision obtenue devant le Tribunal Administratif de Rennes et critique

Par jugement du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de RENNES a retenu des manquements de nature à engager la responsabilité du Centre hospitalier dans la prise en charge médicale de Monsieur J. suite à l’accident dont il a été victime le 31 juillet 2009, à l’origine d’une perte de chance d’éviter une aggravation de son état de santé, qu’il a évaluée à 30%.

Dans sa décision, le Tribunal administratif a appliqué à tort le taux de perte de chance non pas aux séquelles en lien avec le préjudice global constaté par les Experts, mais en lien avec les séquelles directement imputables aux manquements fautifs retenus.

Ce faisant, le tribunal a commis une erreur d’interprétation des conclusions expertales et a injustement réduit l’indemnisation de Monsieur J.

Un appel a donc été formé devant la cour administrative d’appel de NANTES.

Décision obtenue devant la Cour Administrative d’Appel de Nantes en date du 12 mars 2021

Monsieur J. a finalement pu obtenir un droit à indemnisation devant la CAA de NANTES plus de 12 ans après l’accident eu égard à la perte de chance retenue.

La Cour Administrative d’Appel de NANTES a infirmé la décision des premiers juges et a retenu une perte de chance à hauteur de 30% sur la globalité de son préjudice.

Monsieur J. a obtenu une indemnisation pour son préjudice corporel à hauteur de 133.646,83 euros, après déduction de la rente trimestrielle capitalisée versée par la sécurité sociale en réparation de son préjudice corporel.


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