Décision Cour d’Appel de PARIS du 22 février 2021
Le 10 novembre 2015, Monsieur T., alors âgé de 32 ans, circulait au guidon de sa motocyclette, dans sa propre voie de circulation, lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation.
Le véhicule en face roulait dans le sens opposé quand il a soudainement décidé de faire un demi-tour. De ce fait, il empiéta sur la voie de Monsieur T. et le percuta, ce qui l'a projeté à distance et causé une violente chute.
L’accident a conduit à l’intervention du SAMU, qui a pris en charge Monsieur T. et l’a transporté aux Urgences de l’hôpital. La victime de la route avait une fracture complexe de l’épaule gauche pluri-fragmentaire, médio-claviculaire avec luxation postérieure de la tête humérale.
Le 13 novembre 2015, les médecins ont réduit la fracture avec mise en place d’une plaque Philos 5 trous, pour stabiliser l'os.
Le 18 novembre 2015, Monsieur T. est retourné à son domicile avec l’épaule gauche immobilisée par une attelle Dujarrier pendant trois semaines. En raison du choc psychologique et des troubles du sommeil causés par l’accident de la route, Monsieur T. s’est vu prescrire des anxiolytiques. Il a ensuite suivi une longue et intense rééducation.
Il a également fait l’objet d’un suivi psychologique. Sur le plan professionnel, Monsieur T., qui envisageait de travailler dans l’audiovisuel, a été contraint de se reconvertir sur un poste sans port de charges lourdes.
C’est dans ces conditions que Monsieur T., victime d'un grave accident, a saisi le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, Avocat Expert en accident de la route et réparation du dommage corporel afin d’obtenir une indemnisation pour le préjudice corporel subi.
Dans un premier temps, il a été opté pour une évaluation amiable de son préjudice.
Deux expertises amiables contradictoires ont été organisées entre la compagnie d’assurance et le cabinet de Maître CARRE-PAUPART.
Le rapport d’expertise a évalué le préjudice de Monsieur T. comme suit :
« Durée des gênes temporaires :
Totale :
Du 10/11/2015 au 18/11/2015
Du 12/05/2016 au 14/05/2016
Prévoir une hospitalisation de 24 heures pour ablation du matériel d’ostéosynthèse de la clavicule GAUCHE.
Partielle :
G3 : du 19/11/2015 au 31/01/2016, avec aide à raison de 2 heures/jour
G2 : du 01/02/2016 au 11/05/2016, avec aide à raison de 2 heures/jour
G3 : du 15/05/2016 au 15/08/2016, avec aide à raison d’1 heure/jour
G2 : du 16/08/2016 au 04/01/2017, avec aide à raison de 5 heures/semaine
Arrêt des activités professionnelles : du mardi 10 novembre 2015 au 30/06/2016
Date de consolidation : 04/01/2017
Déficit fonctionnel permanent : 18%
Souffrances endurées : 5/7
Préjudice esthétique définitif : 2,5/7
Frais futurs : prise en charge des séances de rééducation prescrites jusqu’à la consolidation et des entretiens à visée psychologique pendant un an après consolidation. »
Sur le plan professionnel, il a été conclu comme suit :
« Le port de charge à titre professionnel n’est pas possible, ce qui peut imposer une réorientation, l’intéressé déplaçant du matériel audiovisuel lors de certaines prestations. »
Aucun accord amiable n’ayant pu aboutir, l'avocat pour accident de la route a donc saisi le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL.
Par un jugement rendu le 19 octobre 2018, la 4ème Chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Créteil a condamné l’assurance adverse. Elle devait verser à Monsieur T. les montants suivants pour réparer son préjudice (avec des intérêts doublés jusqu’au 10 avril 2018 sur la somme de 113.513,49 euros) :
Dépenses de santé actuelles | 2.118,23 euros |
Frais divers | 10.460,54 euros |
Pertes de gains professionnels actuels | 8.238,50 euros |
Pertes de gains professionnels futurs | réservé |
Incidence professionnelle | 80.000 euros |
Dépenses de santé futures | réservé |
Déficit fonctionnel temporaire total et partiel | 3.906,25 euros |
Souffrances endurées | 30.000 euros |
Déficit fonctionnel permanent | 42.840 euros |
Préjudice esthétique | 3.000 euros |
Préjudice d’agrément | 10.000 euros |
La compagnie d’assurance adverse a interjeté appel partiel de ce jugement le 2 janvier 2019 s’agissant des postes de pertes de gains professionnels actuels et d’incidence professionnelle.
Il a également été alloué à Monsieur T. la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La cour d’appel de PARIS a confirmé l’indemnisation allouée par les premiers juges à hauteur de 80.000 euros s’agissant de l’incidence professionnelle.
Ce type de préjudice vise à indemniser non pas la perte de revenus due à l'invalidité permanente, mais les conséquences sur la carrière de la victime.
Cela peut inclure une baisse de valeur sur le marché du travail, la perte d'opportunités professionnelles, une augmentation de la difficulté à exercer son emploi, ou encore l'obligation de changer de métier à cause de son handicap.
En l’occurrence, l’accident lui a fait perdre une chance de suivre son projet professionnel.
Monsieur T. va nécessairement subir une pénibilité accrue et une dévalorisation consécutive sur le marché du travail.
Concernant la perte de revenus, comme Monsieur T. a retrouvé un emploi avec un salaire équivalent, il lui a été attribué les montants suivants :
Il a également été alloué à Monsieur T. la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en appel.