Une société d’imagerie médicale susceptible de voir sa responsabilité de plein droit engagée en cas d’infection nosocomiale

Une société d’imagerie médicale n’est pas considérée comme un Etablissement de soins susceptible de voir sa responsabilité de plein droit engagée en cas d’infection nosocomiale

Arrêt Cass. 1ère Civile 10 novembre 2021 – n°19-24.227

Les faits

Le 13 août 2010, Monsieur S. a subi un arthro-scanner de son épaule gauche réalisé par le Docteur B, radiologue, exerçant dans les locaux de la société à responsabilité limitée Imagerie nouvelle.

Les suites de cet acte médical ont été marquées par la survenue d’une infection nosocomiale.

Monsieur S. a sollicité une expertise en référé laquelle a confirmé que la victime avait contracté cette infection dans le cadre de cet examen.

Ayant subi un préjudice, Monsieur S. a assigné au fond, le praticien, la société à responsabilité limitée Imagerie nouvelle et la Polyclinique située à la même adresse, afin d’obtenir réparation pour le dommage subi. L’assureur de la Clinique est intervenu volontairement à l’instance.

La cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, dans son arrêt rendu le 12 septembre 2019, après avoir mis hors de cause le praticien, déclare la société à responsabilité limitée Imagerie nouvelle seule responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont il a été victime et la condamne à l'indemniser de son entier préjudice.

Dans son arrêt, la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE considère que le cabinet de radiologie doit être assimilé à un Etablissement de santé relevant des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique selon lesquelles les établissements, services et organismes dans lesquels sont diligentés des actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables de plein droit en cas d’infection nosocomiale, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Selon les juges du fond, la société à responsabilité limitée Imagerie n’ayant pu démontrer la preuve d’une cause étrangère, elle est donc tenue à indemniser le patient.

Les moyens soulevés devant la Cour de cassation

Le cabinet de radiologie fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné alors « que seuls les établissements effectuant des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peuvent voir leur responsabilité engagée en raison des dommages résultant d'une infection nosocomiale ; que ne constitue pas un tel établissement la société à responsabilité limitée qui a pour objet social l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale, laquelle n'a pour objet que l'acquisition en commun du matériel nécessaire à l'exercice de la profession de radiologue par ses membres ; qu'en jugeant que la société à responsabilité limitée Imagerie Nouvelle de la [Localité 6] exerçait une activité de diagnostic et relevait des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique applicable aux établissements de santé cependant qu'elle avait constaté que son objet social se limitait à « l'exploitation, l'achat, la vente et la location de tout matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d'exploitation de polyclinique », la cour d'appel a violé ce texte par fausse application. »

La société à responsabilité limitée Imagerie nouvelle fait également grief à l’arrêt de l’avoir condamnée alors « qu'une clinique est responsable de plein droit des dommages causés par les infections nosocomiales contractées dans son service de scanner ; que constitue le service de scanner d'une clinique, le centre de scanner qui est tenu contractuellement envers cette clinique de garantir pour les patients de la clinique la permanence des soins et d'assurer, sous son contrôle, un planning de garde et d'astreinte ; qu'en jugeant que la société Imagerie Nouvelle de [Localité 6] ne constituait pas le service de scanner de la polyclinique [9] dès lors que cette société exerçait son activité dans une indépendance certaine, dans des locaux propres loués à une personne tierce, sans bénéficier d'une clause d'exclusivité et dès lors que la polyclinique [9] disposait de ses propres circuits d'approvisionnement en matière de dispositif médicaux stériles, son propre personnel de nettoyage, ses propres protocoles d'asepsie et un matériel de radiologie en propre, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Imagerie nouvelle de [Localité 6] n'était pas tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés à la polyclinique [9], par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1142-1, I, du code de la santé publique. »

Cassation de l’arrêt et analyse

Dans son arrêt rendu le 10 novembre 2021, la Cour de cassation rappelle au visa de l’article L.1142-1, I, du code de la santé publique que dans le cas de dommages liés à une infection nosocomiale n'ouvrant pas droit à réparation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des articles L. 1142-1, II ou L. 1142-1-1, 1° du même code, une différence de traitement a été expressément prévue par le législateur dans l'engagement de la responsabilité pour en obtenir la réparation selon que l'infection a été contractée dans un établissement, service ou organisme de santé ou auprès d'un professionnel exerçant en ville. 

Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle au visa de l’article L. 6111-2 du code de la santé publique que les établissements et services de santé sont notamment tenus de mettre en œuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ce qui n’est pas le cas des sociétés professionnelles qui permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation constate que la société de radiologie dont son objet se limite à l'exploitation, l'achat, la vente et la location de tout matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ainsi que de tout matériel d'exploitation de la clinique, ne saurait être assimilée à un Etablissement de santé soumis à une responsabilité de plein droit.

Dès lors, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour violation de la loi. 

Par ailleurs, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas voir recherché s’il ne résultait pas du protocole conclu entre la société de radiologie et la clinique une certaine dépendance du laboratoire à l’égard de la clinique permettant de faire supporter à cette dernière une présomption de responsabilité pesant sur les établissements de santé en matière d’infection nosocomiale.

L’affaire est ainsi renvoyée devant la cour d’appel de LYON.

Cet arrêt laisse ainsi sous entendre qu’il existe un lien de dépendance existant le cabinet de radiologie et la clinique située au même endroit.

Ainsi et indirectement, la Cour Suprême semble considérer que la responsabilité de plein droit des établissements de santé s’étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie.

Espérons pour la victime que la cour de renvoi se prononce dans le même sens car à défaut, elle ne pourra prétendre à aucune indemnisation créant ainsi une véritable inégalité de traitement entre un patient qui contracte une infection dans un cabinet de radiologie exerçant seulement au même endroit qu’un Etablissement de santé et une victime ayant contracté une infection dans un cabinet de radiologie dépendant du même Etablissement de santé.

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